Crédit photo : Daniel
17 December, 2025

Thierno Baldé, du parcours migratoire au trophée de la diaspora africaine

 

Le prix de la résilience ! Un trophée de la diaspora africaine pour Thierno BALDÉ, jeune Guinéen, survivant de la migration à travers la Libye et auteur de "L’Europe appelle, l’Afrique pleure". 


[Reportage de Rita STIRN  pour SITANEWS]

 

Lors de la 7 édition de la Nuit de la diaspora africaine, Alain Bouba, le fondateur, nous livre son commentaire sur l’événement : « Cette 7 édition a suscité un engouement et aujourd’hui je suis fier d’une chose : que la diaspora africaine commence à savoir que cet événement est là pour nous valoriser. Nous allons mener ce combat pour dire que la diaspora africaine est une chance pour la France, en raison des nombreux domaines où elle excelle. » Une conférence avait été organisée le 5 décembre 2025, intitulée : Oser transformer et partager votre héritage pour mieux bâtir nos devenirs communs.

 

Les échanges furent dynamiques entre les six panélistes, dont Maïmouna DIOP FEGER, responsable d’une agence RH, Triangle Intérim, Sonia MEHAOUI, enseignante en histoire et géographie, Mohammed SYLLA, juriste et syndicaliste, militant de la paix et de la justice sociale, Moriba QUENDO, entrepreneur, fondateur de la société Saveurs d’Afrique, Bernard JENASTE, professeur et interprète de conférence, coordonnateur de projets européens et élu municipal, et Thierno BALDÉ, auteur de l’ouvrage L’Europe appelle, l’Afrique pleure, paru aux Éditions L’Harmattan.

 

Le public présent se montre particulièrement attentif au parcours décrit par Thierno BALDÉ, qui met en lumière le fondement de la démarche migratoire : pourquoi un jeune se décide-t-il à quitter sa famille, sa terre, pour un exil en Europe qu’il voit comme un Eldorado, selon les termes d’Alain Bouba ?

 

Thierno évoque les difficultés engendrées par la situation sociale et économique de la Guinée pendant son adolescence, mais ce sont surtout les événements politiques qui ont plongé sa famille dans la tragédie. Son père, opposant politique, est tué lors du massacre du 28 septembre 2009 au stade de Conakry. Le décès du père a bouleversé la structure familiale : Thierno est déscolarisé, la famille a perdu sa maison, l’exil s’impose. Sa mère est opposée à son départ : c’est elle qui symbolise cette Afrique qui pleure le départ de ses enfants, partis au péril de leur vie.

 

En 2013, à l’âge de 15 ans, Thierno choisit de se rendre au Mali, où vit une de ses tantes, mais il n’y a pas d’avenir pour lui à Bamako et il décide de prendre la route du désert pour l’Algérie, afin d’y participer à un chantier de jeunesse, avec un statut légalisé.

 

En 2014, il traverse la frontière algérienne pour le Maroc, à Oujda, puis il s’installe à Tanger grâce à l’Association Caritas. Il est déterminé à émigrer en Europe, mais ne trouve pas de travail et ne peut payer les passeurs. Il retourne donc en Algérie pour travailler à nouveau sur un chantier pendant plusieurs mois. Dès qu’il est en possession de la somme requise en devises échangeables, dollars et euros, il décide de partir en Libye avec d’autres Guinéens et des Gambiens, solidaires du même projet d’exil. Il survit à la traversée de la Libye, devenue un tombeau de migrants. Thierno arrive sur l’île de Lampedusa en 2016.

 

Après deux ans de séjour en Italie, il est régularisé avec une carte de séjour et suit une scolarité en italien dans un lycée, où il passe l’équivalent d’un baccalauréat. À partir de ce moment-là, l’État italien n’offre plus de soutien aux migrants devenus majeurs. Il ne trouve pas d’emploi et essaie de se rendre en France, vu qu’il est francophone, avec sa carte de séjour italienne, mais il est refoulé à la frontière. Il décide de passer par la frontière suisse, qui l’autorise à passer vers l’Allemagne, et de là, il arrive à Strasbourg, en France. Il n’a pas de passeport et n’a pas droit à Pôle emploi, il a un visa de 90 jours. Il trouve un emploi dans une pâtisserie dont la patronne lui donne sa chance et il enclenche une demande d’asile.

 

Pendant deux ans, il apprend le métier de pâtissier. C’est à ce moment-là qu’il éprouve le besoin de raconter son histoire personnelle, mais il n’avait personne à qui parler. « Je continuais à écrire sur mon téléphone sans penser que ça intéresserait quelqu’un, mais c’était une forme de thérapie », dit Thierno. Il est régularisé en 2021 et suit des cours du soir pour non-bacheliers pour obtenir une capacité en droit.

 

À l’heure actuelle, Thierno est régularisé. Il est inscrit en distanciel en droit à la Faculté de droit de l’université Paris-Panthéon-Assas. Son ambition est de passer le barreau et de devenir avocat. Depuis 2022, il est marié et son premier voyage aura été de présenter sa femme à sa maman en Guinée. Il est aussi papa d’une petite fille et vit en famille à Strasbourg, « où il se sent bien ».

 

On pourrait penser que quelqu’un qui fait un tel périple, a réussi à traverser le Sahara et la Libye, n’a plus peur de rien, mais Thierno explique : « Avec tous les dangers auxquels j’ai échappé, mais aussi la connaissance de toutes les morts et violences, j’ai un sentiment de frayeur, un trauma qui s’impose parfois à moi. »

Un trophée a été remis à Thierno BALDÉ le 6 décembre 2025 au cours de la Nuit de la diaspora africaine.

 

Ouvrage recommandé :
"L’Europe appelle, l’Afrique pleure", de Thierno BALDÉ, éditions L’Harmattan.

 

Liens à consulter :
Youtube : Un jeune, une solution, 10 mars 2021, Thierno Baldé
Vidéo : Découvrez l’histoire de Thierno Baldé, 19 décembre 2023

 

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