La 13ème édition biennale organisée par la Société Panafricaine des Arts de la Musique et de l’Éducation Musicale (PASMAE) s’est déroulée sur le Campus de l’Université de Cape Coast au Ghana. Les membres africains du colloque venaient essentiellement des pays anglophones: Ghana, Kenya, Ouganda, Afrique du Sud, Zambie, Nigeria.
Le thème choisi pour le colloque de 2023 a pour intitulé : Évolution des espaces artistiques de la musique et des cultures, et développement durable en Afrique.
Eric Debrah Otchere est l’organisateur du colloque qui se déroule pour la seconde fois au Ghana. Une cérémonie d’ouverture fait honneur aux chants, aux danses et aux rythmes de la culture musicale ghanéenne.
Les présentations, assurées par des universitaires du continent africains mais aussi des Etats-Unis, s’enchainent au rythme de sept présentations quotidiennes par salle de conférence. Les sujets choisis s’inscrivent dans la thématique du colloque et suscitent des interrogations sur le hiatus entre tradition et modernité dans l’éducation et les performances musicales.
Ainsi Lydia Ampomah NYARK pose la question des tabous sur la pratique de la percussion par des femmes à Cape Coast, et leur démystification. Une autre chercheuse, Awura-Ama AGYAPONG présente un petit instrument traditionnel joué par des femmes, à faire connaître aux enseignants et aux étudiant.es pour des activités pédagogiques.
L’africanité abordée dans un aspect philosophique est proposée par Kayode SAMUEL du Kenya. S’inspirer de proverbes et de chansons traditionnelles en yoruba est une pédagogie préconisée dans l’enseignement de la musique par Adeola ODUNUGA du Nigeria.
Des interludes musicaux dans le hall du bâtiment ponctuent les présentations par des danses traditionnelles sur les rythmes de tambours ghanéens appelés atumpan. Il s’agit d’un grand tambour avec un cylindre en bois creux, dont la peau est fixée sur des piquets avec des cordes permettant de régler la tension. La base du tambour est ouverte pour accroître sa résonnance. Pendants ces pauses musicales, des membres du colloque PASMAE n’hésitent pas à se joindre aux danseurs et danseuses.
Un enseignant-chercheur d’Afrique du sud, Rick Deja s’intéresse à des instruments traditionnels à corde unique, semblables au birimbao de la capoeira afro-brésilienne, appelés udahi , et intégrés dans des espaces musicaux nouveaux avec des sons amplifiés dans des formations modernes, sans lien avec des rituels traditionnels.
Trouver des espaces d’expression musicale et de visibilité est un point évoqué par l’intervention de Dr Benon KIGOZI d’Ouganda. Il propose de créer des performances au sein de l’université, ce qui contribue à la fois à donner une visibilité au département de musicologie et à professionnaliser la pratique de concerts pour les étudiant.es. Une expérience fructueuse déjà réalisée à l’Université Makerere de Kampala, Ouganda. Combler le fossé entre académisme et développement de carrière musicale fait l’objet d’un certain nombre d’interrogations et de façons d’y remédier. Ainsi, l’entreprenariat à l’université est proposé par Amos, Darkwa ASARE du Ghana.
Une présentation remarquée est celle de deux chercheurs Afro-américains par l’intitulé de leurs interventions. Le Professeur Antonio Cuyler de Michigan University propose l’exploration des pratiques d’exclusion culturelle concernant la communauté afro-américaine aux Ets-Unis mais aussi des recommandations d’engagement communautaire, notamment de la part des artistes. Conjointement, Lawrence M. Jackson de George Mason University du Minnesota parle d’une approche artistique centrée sur Black Lives Matter, en présentant le travail de cinq chorégraphes féminines dont Nathalie Mc Kenna, Sandra Bland, Michelle Cusseaux (I can’t breathe), et Breonna Taylor, intitulé, Say her name, too en mémoire des meurtres de femmes, victimes du racisme aux Etats-Unis. Les deux chercheurs soulignent que depuis la mort de George Floyd, l’expression d’une révolte dépasse les frontières des Etats-Unis.
Pour illustrer le travail chorégraphique à l’Université de Cape Coast, le département des Arts et des Performances musicales, sous la direction d’Eric Otchere, présente un spectacle collectif de danse et de musique intitulé La Vision de NKRUMAH. Une mise en scène de la vie du premier président du Ghana au moment de l’Indépendance du Ghana en 1956. Nkrumah est le premier leader panafricain dont la vision pour l’avenir de l’Afrique reste très présente dans la mémoire collective du pays. Un imposant mémorial lui est dédié à Accra et de nombreuses visites guidées y ont lieu toute l’année pour la population du Ghana, mais aussi les visiteurs internationaux.
Inscrire le secteur artistique dans le développement durable de l’Afrique est abordé par Kayode SAMUEL et Sam ADEJUBE du Nigeria, qui évoquent « l’écomusicologie » en donnant pour exemple l’expression musicale autour de l’étouffement de la mégapole et capitale du Nigeria, Lagos. Chipo NAMAIKO de l’Université de Zambie souligne le manque d’infrastructures et de moyens dans l’éducation musicale qui devrait s’inscrire dans le programme pédagogique multidisciplinaire des écoles. « Pourquoi ne pas enseigner les mathématiques par la musique » dit-il. La musique contribue au développement individuel et peut être une alternative bénéfique en cas d’échec scolaire ».
Le colloque s’achève par un rappel des objectifs de la Société Panafricaine pour la Musique et l’Éducation Musicale (PASMAE), qui est de favoriser la recherche en musicologie, d’explorer des pédagogies et des pratiques innovantes en musique et de créer des partenariats transfrontaliers, comme souligné par le Professeur Emily Achieng AKUNO du Kenya. Elle rappelle les droits de la musique préconisés par l’UNESCO pour tous les enfants et les adultes de s’exprimer musicalement et en toute liberté et ceux des artistes musicaux de développer leur art et de le communiquer dans les médias et de percevoir une rémunération équitable à travers le monde. Elle ajoute que « le secteur académique de la musique en Afrique a besoin de se reconstruire, d’innover et de se repositionner » pour gagner une envergure internationale qui dépasse le continent africain.
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