Duo Widad Mjama & Khalil Epi/Crédit photo Rita Stirn pour SITANEWS
10 May, 2025

La « aïta » revisitée par Widad Mjama et Khalil Epi, entre émotions et vibrations électro au festival Arsmondo

 

Une des pionnières du rap marocain, Widad Mjama, propose une relecture du chant traditionnel de la aïta marocaine dans une version électro en duo, avec des compositions produites par le musicien tunisien Khalil Epi. Depuis avril, une tournée emmène ce duo sur les scènes internationales, du Maroc à la France, jusqu’en Slovénie, en passant par l’Espagne, le Portugal et la Suisse.


Par Rita Stirn pour SITANEWS

Temps de lecture 3minutes

 

« Chanter la aïta est pour moi un projet de maturité. Depuis mon enfance, je suis fascinée par la personnalité des chikhates, ces chanteuses rebelles et marginalisées qui incarnaient à mes yeux la liberté », explique Widad, qui faisait partie du Collectif N3rdistan avec Khalil. « Choisir le duo a simplifié les choses », ajoute-t-elle, partageant avec Khalil le désir de transmettre une tradition musicale, mais avec les outils actuels de l’électronique. Pour l’instant, Widad interprète un répertoire traditionnel rural, notamment de la région de Casablanca, où elle a grandi. Elle confie cependant vouloir un jour chanter en tamazight, la langue berbère de sa mère, originaire de Khemisset, à l’instar de la célèbre chanteuse marocaine Najat Attabou, dont elle est admiratrice. Khalil l’accompagne au lotar avec des solos qui accélèrent le tempo, ajoutant au son la touche électro et le rythme.

 

Vidéo utile >> https://urls.fr/-G7if_

 

Le concert du 7 mai 2025 à l’Espace Django s’inscrit dans un partenariat avec le Festival Arsmondo Méditerranée. Une partie du public connaît déjà le répertoire de Widad. Le dialogue musical s’installe naturellement, en arabe marocain, avec ses fans debout tout devant, près de la scène. Mais les arrangements électro attirent aussi un autre public, prêt à découvrir les nouvelles sonorités qui accompagnent ce chant traditionnel marocain. Aïta signifie « le cri », un chant qui exprime la douleur, la perte d’un être cher, la souffrance au travail, l’indignation face aux injustices et aux inégalités — autant de thématiques universelles, comme celles du blues. C’est aussi un chant ancestral de rébellion et de résistance face au colonialisme espagnol, portugais et français sur la terre marocaine.

 

« La voix de Widad Mjama est une véritable flèche tirée droit dans le cœur de l’auditeur, qui se fait surprendre par la profondeur et la puissance de cette musique », écrit la critique musicale. Widad, pionnière du rap et récompensée comme talent émergent au Tremplin de Casablanca, explique que le phrasé du rap l’a aidée dans son interprétation de la aïta. Elle ponctue sa puissance d’élocution par des gestes de chanteuse traditionnelle. Elle porte d’ailleurs un long caftan noir, clin d’œil à la tradition, mais aussi au rôle de la femme comme gardienne de cette dernière. Ses échanges avec le public ressemblent à ceux de toute chanteuse s’adressant à un auditoire marocain ou à la diaspora, qui lui répond par des youyous. On pourrait imaginer inverser les rôles avec Khalil, et que Widad soit aux sons électro ! C’est le cas de La Louve, avec son raï électro d’Algérie, qui prendra les commandes de ses platines lors du concert DJ de la soirée, faisant danser le public dans le hall de l’Espace Django.

 

 La LOUUVE, Algérie aux platines/Crédit photo Rita Stirn pour SITANEWS

 

Widad confie que sa scène favorite est celle des concerts en plein air. Elle raconte notamment un moment mémorable lors d’un concert en Lozère : au moment où elle chantait, elle a vu un lever de lune juste devant ses yeux. Elle a eu envie de s’interrompre pour inviter son public à se retourner et admirer la beauté du spectacle. Son rapport à la beauté de la nature et à la poésie s’exprime aussi dans cette belle citation de l’écrivain palestinien Mahmoud Darwich : « Si tu prolonges ton regard sur une fleur, même une tempête ne te fera pas bouger. »

 

Ouvrages et liens pour consultation :

 

Musiciennes du Maroc, en français, anglais et en arabe

Auteure :  Rita Stirn, Éditions MARSAM, RABAT, 2018.

Hassan Najmi, thèse sur la Aïta en arabe

Brahim El Mazned, Compilation des chanteuses de aïta

www.espacedjango.eu / mercredi 7 mai 2025.

Festival Arsmondo Méditerranée (Opéra National du Rhin)

 

 

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