ALPHADI, le célèbre créateur nigérien, pionnier de la haute couture, organise la Caravane Alphadi pour la Paix les 15 et 16 août au Musée de Bamako. Lors du casting des mannequins à la maison de couture Maria Kaba, ALPHADI lui-même, revient sur l’état des lieux de la mode africaine, du mannequinat et sur les grandes lignes de cette caravane de la paix. Lisez !
Interview réalisée par Mory TOURÉ
Pour SITANEWS
MT : Bonjour Monsieur Alphadi, nous venons d’assister au casting des festivités de la Caravane de la Paix Alphadi. Quelles sont vos impressions ?
ALPHADI : « Je suis très content. Vous avez vu, on avait une centaine de mannequins, hommes et femmes. Ils sont venus par respect pour ce métier et pour le travail, pour montrer que cette caravane, ce n’est pas uniquement pour les couturiers, que des mannequins qui travaillent bien peuvent gagner de l’argent.
Il n’y a pas de travail sans paix, sans paix il n’y a pas d’acteurs, sans paix il n’y a pas de défilé. Donc, nous apportons notre contribution à cette consolidation de la paix à travers nos défilés de mode et traçons le sillon pour ces jeunes acteurs qui deviendront les grands acteurs de demain.
Ce projet est un projet qui corrobore avec la situation de nos trois pays, et je crois fermement que la mode et l’artisanat peuvent contribuer à la stabilité et à la paix. »
MT : Alphadi, vous vous investissez depuis presque 50 ans pour valoriser la mode, le tissu, le textile, le savoir-faire africain. Quel bilan feriez-vous et quel est l’état des lieux de la mode africaine ?
ALPHADI : « La mode est une industrie : elle crée de l’emploi au niveau du textile, elle crée de l’emploi dans les secteurs gravitant autour de la mode. Je dirais qu’au regard esthétique et festif, la mode est un métier économique.
Mais l’Afrique a été oubliée, parce que tous les gros financiers africains ne veulent même pas investir dans les créateurs. En Europe, quand un créateur est connu, ce sont les grands milliardaires qui investissent dans ces créateurs, et c’est normal que cela génère des revenus.
Au Mali, au Niger, au Burkina, dans nos pays, les investisseurs doivent comprendre que ce secteur est aussi productif. Pareil pour les mannequins : tant qu’il y aura des défilés chaque jour, chaque mois, ils seront bien rémunérés.
Le textile représente des milliards, mais quand nous regardons le coton malien qui est transformé à seulement 5 % ou 6 % sur place, tout le reste part ailleurs. Ça doit changer : nos matières premières devraient être transformées sur place. Tout cela doit se faire dans un environnement de paix. »
Donc, je répète : la mode peut être un outil de développement conséquent et peut créer des millions d'emplois. »
MT : Quels conseils donneriez-vous à ces jeunes mannequins qui seront l’avenir du mannequinat africain dans les années à venir ?
ALPHADI : « Tout d’abord, je voudrais dire aux jeunes de ne jamais utiliser de produits pour éclaircir la peau. Nous voulons qu’ils soient des professionnels dans ce domaine. Nous voulons aussi qu’ils restent en Afrique ; c’est ce combat que je mène.
Beaucoup de mannequins sont partis et y sont restés. Moi, je veux que ces jeunes mannequins reviennent sur le continent, mais qu’ils restent sur le continent avec de bonnes agences de qualité.
Qu’ils partent de Bamako, de Niamey ou de Dakar défiler à New York, à Londres, à Paris, mais qu’ils reviennent sur le continent. Qu’ils gagnent leur argent, qu’ils partent puis qu’ils reviennent. Il faut que nous puissions créer des agences puissantes. D’ailleurs, nous avons créé une agence qu’on appelle l’agence FIMA. Nous prendrons les meilleurs pour les former, qu’ils soient fiers d’aller défiler partout dans le monde, mais qu’ils aient un attachement pour le continent africain. »
MT : Quelles sont les grandes lignes de cette caravane que vous avez initiée depuis quelques années, et pourquoi le choix de Bamako ?
ALPHADI : « La Caravane Alphadi pour la mode, pour la paix, est un outil de développement, un outil conséquent de communication. Quand nous nous aimons entre nous, tout peut se faire. Le mot principal que nous devons vulgariser, c’est la paix, car sans paix, il n’y a pas de développement. Ce continent doit être aimé par les Africains eux-mêmes.
Il faut que les créatifs soient des gens capables d’habiller l’Afrique. Il n’y a pas de raison que l’Afrique ne labelise pas sa créativité. Tout le monde s’inspire de nous, ce n’est pas normal. Il est grand temps qu’aujourd’hui, chaque Malien, quels que soient ses moyens, puisse s’habiller dans le textile malien. Le Mali a besoin que les créateurs puissent habiller aujourd’hui l’Afrique.
Pendant ces deux jours au Musée National de Bamako, nous aurons des défilés pour mettre en avant les textiles locaux (Bogolan, Bazin, tissage traditionnel...), des formations pour jeunes créateurs, stylistes, tanneurs, brodeurs, etc. Nous aurons aussi des conférences sur l’art et la paix, ainsi que des performances collectives. Après Bamako, nous nous déploierons dans les grandes villes du pays comme Tombouctou, Kayes, Ségou.
Je veux redonner espoir à une jeunesse talentueuse souvent oubliée, car pour moi, la culture est une arme douce mais puissante contre la division et la pauvreté. Je veux que l’Afrique habille l’Afrique, je veux que l’Afrique habille le monde, car l’art et la beauté sont africains. »
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