De 90 au milieu des années 2000′, la Guinée était en tête de peloton en Afrique francophone dans le domaine du R.A.P après le Sénégal. C’est un fait, même si la Côte d’Ivoire faisait parler d’elle à l’époque par l’entremise de ses grands rappeurs comme le crew « Flotte impériale » de Stezo, MC Cliver, Kadjim, M.A.M puis, la génération de Almighty qui est arrivée après.
[Article de Sita / PHOTO ©Didi B]
L’histoire et les coupures de presse retiennent que la Guinée fut la plaque giratoire du rap ouest-africain. C’était le haut niveau en termes de prestance avec son MRK (Mouvement Rap Koulé », « Tribunal Hip Hop » et autres. Toute cette notoriété était rendue possible grâce à des grands festivals qui drainaient du monde à Conakry notamment le « RAP AUSSI ». Mais également, on pouvait y constater une folle éclosion de MC’s et des grands groupes partout dans les rues et ghettos de Conakry. Statistique : d’aucuns parlent d’au moins 121 groupes et rappeurs en solo.
Selon le classement de la Fédération internationale de hip hop, « la Guinée occupait la quatrième place derrière les Etats-Unis, la France et le Sénégal. »
Avec toute la place qu’occupait le rap guinéen à l’époque, il souffrait d’un manque criard d’infrastructures (studios d’enregistrement professionnel et canaux de diffusion). C’est pourquoi, tous les premiers albums à succès du Rap Guinéen excepté « Foré Bôma » de Kill Point fait à Dakar, ont été enregistrés au studio JBZ d’Abidjan. On peut citer entre autres : l’album « Bakouti » de Légitime Défense (Leg Def) ; « Sogolon » de Bill de Sam et celui de Hamid Chanana. C’est dans les années 2000 que la seconde vague du mouvement hip hop de Guinée aussi « turbulente » (par exemple : Degg J Force, Silatigui, etc…) a commencé à rallier le Sénégal pour les enregistrements.
Caractéristiques comparatives
Si le Rap Ivoire n’était que festif, alors commercial du fait du caractère libéral du régime d’Houphouët Boigny à l’époque, faut-il rappeler que le Rap Guinéen était quant à lui, 80% underground, hardcore, engagé et revendicatif avec tous les critères possibles. Cela, pour la simple raison de « déstabiliser » le régime militaire du Général Lansana Conté qui en faisait trop. C’était une véritable révolution contre le système et ses sbires.
Force est de reconnaître que la Côte d’Ivoire et le Sénégal constituaient des maillons forts dans les années 90’ et 2000’ pour le décollage du Rap Guinéen surtout en termes de réseautage et d’appui technique. Aussi, médiatiquement, il fallait que la Guinée se rapproche du Sénégal et de la Côte d’Ivoire sachant que la censure sur les ondes des médias d’État à Conakry, était le moyen farouche des dirigeants Guinéens pour empêcher les rappeurs à la verve virulente dans leur élan. Voici un peu l’histoire qui jouait à la faveur des rappeurs guinéens. Il fallait donc qu’on vous la raconte.
20 ans après, la Côte d’Ivoire surclasse la Guinée
Incontestablement, le rap ouest-africain avait pour bastion la Guinée avec un public très hospitalier qui pouvait remplir un stade. Une réalité qui continue jusqu’à présent. Ce qui n’est pas faisable à Abidjan ou au Sénégal avec leurs propres artistes. C’est pour vous dire que le Rap Guinéen était leader et fédérateur au-delà de sa nature acerbe et dérangeante. Mais la donne change incroyablement après 2010 tel un curseur arithmétique.
Aujourd’hui, la Côte d’Ivoire reprend le flambeau du rap-Afrique francophone et s’impose au-devant de la scène avec audace et acuité. Une nouvelle génération très « agressive » ne compte pas laisser l’affaire. En plus du talent, les effets du buzz ont valu à Abidjan d’être aujourd’hui sur l’orbite et devenir au fil du temps, la « capitale du rap africain ».
Les jeunes rappeurs comme Didi B, Black K, KS Bloom, Suspect 95… font des ventes astronomiques et font bourrer des stades et des salles partout dans la sous-région et même en France. Le Rap Ivoire transcende parce qu’il dispose aussi des meilleurs beatmakers de la sous-région par exemple : le jeune Tamsir.
Que dire ?
Le rap Guinéen qui était en tête de classement par le passé, régresse considérablement. par manque de politique véritable pour la redynamisation de son industrie. Pour preuve, les festivals disparaissent – les mécènes et les sponsors s’amoindrissent – Les maisons de production ferment – les MC’s s’exilent – d’autres deviennent ministres ou chroniqueurs dans les radios – les dinosaures du show-biz comme Malick Kébé, Benedi Records, Tidiane World Music lèvent le pied sur l’accélérateur. Alors, plus de repères – la new génération abandonnée à elle -même est versée dans la flagrante dépravation, l’égo-trip et le punchline inutiles. Du coup, c’est le déclin. Malgré l’effort de certains comme Djanii Alfa (perçu comme le n°1 actuel), le rap guinéen peine à reprendre sa place d’antan et renaître véritablement de ses cendres glorieuses.
(©) Sitanews.net
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