Ngueita Allah-Asko Alfred, plus connu sous son nom de scène N2A TEGUIL, est un artiste engagé. En quelques années, il s’est imposé comme l’un des représentants les plus prometteurs de la nouvelle scène tchadienne. Son univers artistique se distingue par sa richesse culturelle, son engagement social et la profondeur de ses textes qui abordent des thématiques universelles comme l'amour, la justice sociale, l'espoir ou encore la lutte pour une vie meilleure.
N2A Teguil s’apprête à marquer un tournant majeur dans sa carrière avec un concert inédit en France, prévu le 10 septembre 2025 dans la mythique salle du New Morning à Paris. Il nous a accordé une interview pour parler de ce rendez-vous, du statut d’artiste au Tchad et, surtout, de sa collaboration avec Tiken Jah Fakoly, icône du reggae africain.
Propos recueillis par Mory Touré
MT : Quel statut donnerais-tu aujourd’hui à l’artiste tchadien ? Est-ce qu’être artiste au Tchad permet de vivre de son art ?
N2A T : « Faire le métier d'artiste en Afrique n'est pas facile. Moi, je pense qu’être artiste au Tchad est déjà un engagement. Donc, les difficultés sont quelque chose contre lesquelles l'esprit doit être préparé. Le plus important, c'est la détermination, car vivre de son art n'est pas une chose facile au Tchad. Je dirais qu'on est en chantier. Doucement, avec le temps, avec l'énergie et avec la détermination, on arrivera à se faire comprendre.
Nos autorités et tous ceux qui aiment la musique doivent comprendre l'importance de ce que nous faisons. Dès qu'ils comprendront l'utilité de notre travail, je pense que tout pourra évoluer normalement et comme il se doit. Donc, maintenant, on travaille pour montrer l’importance de notre art. Ensuite, il faudra se positionner pour que les gens donnent vraiment de la valeur à ce que nous faisons. Dès que le public tchadien, le mouvement tchadien et la population tchadienne s'accorderont sur le fait que ce qui vient de chez nous doit être valorisé, je crois qu’on brisera toutes les barrières et on se placera là où d’autres ont déjà eu la chance d’être sur l’échiquier continental. »
MT : On sait que tu es quelqu’un de très actif. Quels sont les projets qui te tiennent à cœur pour ton pays, et quel conseil donnerais-tu à tes jeunes frères et sœurs qui viennent derrière pour suivre vos pas dans la musique ?
N2A T : « Le projet le plus crucial pour moi en ce moment, c'est le concert au New Morning. C’est une première pour moi et mes fans. C’est pour cela que je convie toute la communauté tchadienne à répondre présent le 10 septembre pour prouver que nous aussi, on peut valoriser ce qui nous appartient. Ce sera la célébration d’une identité, celle qui portera notre musique à l'international et nous ouvrira les grandes salles pour la musique tchadienne.
Pour les plus jeunes qui viennent de commencer, je pense que s’engager dans la musique, dans l’art, c’est déjà un engagement. Il y a des prix à payer, il faut du courage, de la persévérance et de la détermination. Rien ne s’obtient facilement, c’est par le travail, la persévérance et la foi que l’on arrive. Lorsque l’on a foi, c’est déjà gagné d’avance. Donc, aux plus jeunes, soyez patients et travaillez dur pour vivre vos rêves et vos passions. »
MT : Teguil, après la sortie de ton single avec l’artiste reggaeman panafricain Tiken Jah Fakoly, comment le grand public et les autorités ont-ils réagi, toi qui évolues dans un pays où tu as souvent eu des soucis à cause de ton engagement et ton franc-parler ?
PHOTO : DR - N2A Teguil (à gauche) et Tiken Jah Fakoly (à droite)
N2A T : « Le titre « C’est dangereux » (À écouter ici >> https://urls.fr/CAzYC8), qui a été repris grâce à la légende Tiken Jah Fakoly, a été une bénédiction, toute une école de vie qui a boosté ma carrière et continue encore son chemin. Il a été très bien accueilli par le mouvement tchadien. Vous savez, c’est un titre qui parle de beaucoup de choses, qui évoque nos réalités et interpelle également nos dirigeants. Nous essayons de dire haut ce que les gens pensent bas. Il y a toujours des barrières, mais on sait déjà à quoi s’attendre.
Nous titillons nos dirigeants par nos textes pour qu’ils en fassent usage et essaient d’améliorer leur façon d’agir afin de contribuer au bien-être de nos populations. C'est notre mission. Le morceau a été bien accueilli par les amoureux de la musique qui prennent conscience et contribuent au changement de mentalité, à une prise de conscience générale. Je profite également pour dire merci à mon « koro » et légende Tiken Jah Fakoly.
Le message est passé, car je fais partie de ceux qui placent leur musique là où les oreilles doivent être attentives pour que ce message arrive à destination. La chanson a eu un énorme succès, même si on l’écoute comme une drogue dans les salons.
Merci encore à Tiken Jah Fakoly qui a voulu vraiment soutenir ce titre et tendre la main à ses jeunes frères qui prendront la relève. »
MT : Pourquoi as-tu décidé maintenant d’organiser ce concert que tu annonces depuis un an dans la salle parisienne du New Morning ?
N2A T : « Je dirais qu’au-delà d’un concert, c’est la célébration de l’identité, la valorisation d’une culture. Ce concert a pris une connotation nationale, car son thème est : un peuple, une voix, une culture.
Ce concert va au-delà de ma petite personne d’artiste N2A. Nous essayons d’ouvrir la porte à la scène internationale pour les artistes tchadiens, pour la culture tchadienne. C’est pourquoi j’ai aussi dit que tout Tchadien doit s’impliquer, car c’est aussi une manière de répondre présent à nos devoirs patriotiques et dire que oui, nous aussi, nous pouvons donner une autre image à travers l’art.
J’ai toujours dit : là où tous les moyens ont échoué, l’art réussit toujours. Là où les politiques n’ont pas réussi, l’art réussit toujours. Ce grand rendez-vous est une grande ouverture pour les artistes tchadiens. Ensemble, nous allons nous serrer les coudes et célébrer notre identité, notre culture, dans cette grande salle du New Morning à Paris le 10 septembre.
Ensemble, nous pouvons porter ce combat et relever ce défi, car c’est la première fois que j’ai l’occasion de monter sur cette scène internationale.
C’est notre drapeau bleu, jaune, rouge qui ira au New Morning pour être dignement représenté à travers sa culture, sa richesse et sa diversité culturelle. »
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