© Zo'Okomo Thierry NDINDA
07 June, 2025

Pleins feux sur Zo’Okomo Thierry NDINDA, musicien et compositeur engagé

 

PORTRAIT. Zo’Okomo Thierry Ndinda est un musicien, compositeur et chef de chœur profondément engagé en faveur de la paix, avec une identité et une démarche artistiques ancrées entre l’Afrique et la France.


Par Rita Stirn pour Sitanews ©

Temps de lecture : 7 min

 

Le Cameroun, terre d’origine de Zo’Okomo, est le pays où il grandit, dans la région de la forêt du Dja. Pour être scolarisé, il est d’abord en internat au collège et y découvre une matière : le solfège. Il n’y voit aucun lien avec la musique, juste des lignes géométriques sur et entre lesquelles on lui demande de placer des points et des crochets ! Au gré des affectations de ses parents fonctionnaires, il découvre les richesses culturelles et linguistiques du pays. 

 

Toutes les vacances, il retourne au pays de sa forêt natale pour y retrouver son son initiateur, son mentor, Zo’Okomo. Là- bas, dans la forêt du Dja, son centre socio-culturel, dit-il, c’est l’église qui lui fait connaitre les musiques traditionnelles et le gospel. Malgré des parents francophones, il fréquente des établissements scolaires anglophones puis marque une pause après la classe de première pour devenir musicien en 1993. Il est chanteur et guitariste autodidacte. 

 

Zo’Okomo est son choix de nom de scène en hommage à son père spirituel du même nom. Après le bac, Il fréquente l’Université anglophone de Buea pour y étudier les Sciences de l’Environnement. Il est autorisé à y créer l’orchestre universitaire, University of Buea Orchestra, dont la fondation, en termes de répertoire musical, correspond à un besoin profond : « Il faut que je sache d’où je viens pour que je sache m’expliquer où aller ». 

 

En tant que musicien, il mène une réflexion par rapport à la commercialisation de la musique : « Oui, tu gagnes des millions et la suite c’est quoi ? » et la transmission du patrimoine : « Le patrimoine africain est vivant et doit rester vivant. La musique, tu ne la vois pas, tu l’entends, c’est une énergie spirituelle. Elle cherche toujours son chemin dans le cœur des humains ». 

 

Zo’Okomo s’intéresse aux pratiques ancestrales orales et aux chants responsoriels africains qui sont à l’origine des spirituals puis du gospel pour développer sa philosophie. « Transformer un cri de détresse en un chant d’espoir. Le chant permet de transcender la douleur ». Geste, rythme, voix, mime, danse, chacun trouve son mode d’expression. Il pose les fondements du parcours artistique qu’il développera ultérieurement.

En 2005, il devient formateur en anglais et s’intéresse à l’enseignement par la musique pour l’obtention d’un diplôme de compétence en anglais le TESOL. 

 

Recruté par les centres linguistiques TESOL, il s’installe en Chine pour cinq ans, ce qui lui vaut de parler couramment le chinois et de devenir un globetrotteur diffuseur de méthodes linguistiques en anglais. Il arrive en Alsace en 2009 pour s’y installer. Il reprend la direction de la chorale Sun Gospel Singers, qui se développera d’année en année pour culminer au Zénith Europe, la plus grande salle de concert de Strasbourg où défilent les célébrités.

 

En 2013, Zo’Okomo fonde un Conservatoire des Arts d’Afrique situé à Ekoumdoum. « C’est un lieu de création, de transmission et de brassage des techniques artistiques patrimoniales qui fondent les arts et les cultures du Golfe de Guinée (…). Il vise à les mettre aux normes internationales dans une optique d’enrichissement mutuel et respectueux ». 

 

Un lieu d’enseignement musical sans frontières où l’on peut apprendre à jouer du piano et du balafon, de la guitare, du violon et de l’accordéon, de la batterie et du mvett (instrument traditionnel du peuple Ékang avec des cordes montées sur des calebasses), mais aussi le chant moderne ou des polyphonies pygmées. On y enseigne également la Danse aussi bien traditionnelle (Danse du Sahel, danse de la Forêt, danse de la Côte) que moderne (Modern Jazz et danses afro-urbaines). S’y ajoute un programme de théâtre avec les arts oratoires africains et le théâtre classique et les Arts plastiques (dessin, poterie, sculpture, peinture, design). 

 

L’année académique dure dix mois et l’on peut s’inscrire en cycle amateur ou professionnel. Bien que le Conservatoire ne bénéficie pas de subventions à ce jour le prix des cours reste symbolique pour permettre à tous un accès aux arts et à la culture.

 

Côté français, l’association culturelle Espace Jalmik, École des Arts et Musiques du Monde est née en 2015 après les attentats terroristes de Paris. C’est le moment d’une prise de conscience de Zo’Okomo qui ne peut plus se contenter de faire des cachets individuels de musicien. « Je veux créer des liens et avoir une raison de monter sur scène. Opposer les armes de l’art aux armes de guerre et aux discours délétères des fanatismes ». 

 

Le nom Jalmik, choisi pour l’association créée avec des amis musiciens et autres, vient du mot jal qui veut dire village et mik qui signifie les cultures en Fang-Béti, une famille de langues d’Afrique centrale parlées au Cameroun, au Gabon, en Guinée équatoriale, au Congo et en RCA. L’objectif de l’École est d’unir les personnes de différentes origines et cultures autour des cours ou d’évènements musicaux dont un concert bi-mensuel : La JAM World Music.  Par exemple, « un Afghan joue à côté d’un Guinéen qui joue à côté d’un Français d’Alsace ou d’ailleurs ». Le public peut se joindre spontanément au groupe avec l’instrument de son choix. Certains deviennent des habitués de ces soirées et des liens se créent. 

 

Désormais, l’association Jalmik est sollicitée par les Centres socio-culturels de Strasbourg et d’Alsace pour mener à bien plusieurs projets artistiques et des animations dans les quartiers et les villages. C’est le cas du projet ArtDécouv, une caravane itinérante qui transporte musiciens et divers instruments de musique dans le but de les faire découvrir aux populations gratuitement. Chaque quartier peut monter son répertoire et son spectacle pendant une semaine, de juillet jusqu’à la mi-août. A cette date Zo’Okomo retourne chaque année sur la terre d’Afrique.

 

Do not live by the sword est le titre du dernier morceau composé et publié par Zo’Okomo Thierry Ndinda, sélectionné par l’UNESCO pour son message de paix. « C’est un morceau dédié aux enfants victimes des guerres dans le monde. Tous les fonds récoltés leur seront reversés dans l’espoir de leur arracher un petit sourire » explique le musicien, chef de chœur de la chorale Sun Gospel Singers qui interprète le morceau en français et en anglais, accompagné par une palette de musiciennes et musiciens originaires de France et du continent africain. 

 

Le morceau commence par l’appel du Nkul un idiophone traditionnel venu d’Afrique et joué par une jeune alsacienne initiée par Zo’Okomo. Cet instrument est le mode de communication commun à l’ensemble des peuples du monde ayant un lien avec l’Afrique. 

 

L’appel lancé par Zokomo est le suivant : « Posons-nous les bonnes questions : jusqu’à quand va-t-on tuer des femmes et des enfants ? Comment résoudre le conflit de l’éternel recommencement des conflits ?  Les pays qui sont censés faire la médiation sont ceux qui vendent les armes. Cela semble embêter personne. Aucun politicien ne le formule » déclare Zo’Okomo.

 

Ce projet est l’occasion de réunir les membres des Sun Gospel Singers, une chorale formée par Zo’Okomo et implantée en Alsace, pour les intégrer dans un projet musical de grande ampleur avec non seulement des instruments de musique classique, mais aussi la participation du Jazzman et virtuose de l’accordéon, Marcel Loeffler sur fond de rythmes camerounais interprétés sur un tambour ancestral africain.

 

Parallèlement, Zo’Okomo est le directeur du Festival « Aux Racines de l’esclavage ». L’année2025 marque la cinquième édition de ce Festival à la croisée des arts et cultures issus de la traite négrière. Au programme figurent un grand nombre d’animations dans divers quartiers de la ville de Strasbourg : des spectacles de contes et des concerts, des stages de voix, de danse et de percussions.

 

A titre professionnel et individuel, Zo’Okomo conçoit des stages qui s’articulent autour de voix, corps et vie, une activité qui devient transfrontalière et attire un public toujours plus nombreux, au-delà des frontières françaises. « J’accepte tous les humains qui possède une voix et donc une bouche, avec ou sans dents ! » dit-il avec humour.

 

La pratique de la voix comme instrument universel et sacré, mais aussi comme mode de communication essentiel résume le crédo du maestro pour que « chacun se sente exister par rapport à l’autre et apprenne à le connaitre et à le respecter ».

 

Le calendrier des activités multiples de Zo’Okomo est bien rempli toute l’année. Mais c’est toujours son engagement pour la Vie et pour la Paix, qui lui trace la route.

 

Liens utiles :

https://www. jalmik.com

YouTube Do not Live by the Sword-Zo’Okomo feat. Sun Gospel Singers 1JIA Int.

 

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