La Petite Pierre et les environs du Parc Naturel Régional des Vosges du Nord ont vibré au rythme de la 22e édition du festival Au Grès du Jazz, du 9 au 17 août 2025. [Reportage grand format]
Par Rita Stirn pour Sitanews
Temps de lecture : 8 minutes
Le festival doit son appellation au grès, pierre emblématique des Vosges du Nord, ainsi qu’au Château de La Petite Pierre où se situent les principales scènes de ce festival régional en Alsace. Cette 22ᵉ édition d’Au Grès du Jazz a rencontré un succès indéniable. L’ajustement de la politique tarifaire et les concerts gratuits chaque jour ont stimulé la curiosité des festivaliers et festivalières, attirant un public intergénérationnel. Fidèle au rendez-vous, le public se laisse surprendre autant par les têtes d’affiche de la Place du Château que par la découverte d’artistes émergents.
Le festival Au Grès du Jazz propose également une programmation en lien avec la culture et l’histoire du continent africain. La chanteuse et guitariste AYO, d’origine nigériane, a assuré l’ouverture du festival avec son trio soul et reggae. Ballaké Sissoko, maître de la kora malienne, dialogue avec Piers Faccini, auteur, compositeur et peintre anglais, pour une exploration poétique de la migration sous toutes ses facettes. Pambélé et The Bongo Hop proposent un répertoire afrocolombien, et la chanteuse percussionniste Lucia de Carvalho, d’origine angolaise, interprète des morceaux afro-funk.
L’avant-dernière soirée est réservée à la chanteuse afro-brésilienne Flavia Coelho, un concert debout en prévision d’une ambiance dansante. Flavia Coelho apparaît en veste et lunettes à paillettes, en parodie de star, pour saluer le public et interpréter son premier morceau. Puis elle tombe la veste pour sa vraie tenue de scène, une combinaison rouge très ajustée à son corps de danseuse qui virevolte sur scène, tantôt avec sa guitare, tantôt aux claviers. Elle est accompagnée de Victor Vagh aux claviers, de Gaetano Malta à la guitare et d’Al Chonville à la batterie.
Le concert, qui affiche complet, se déroule devant un public conquis auquel Flavia Coelho raconte ses histoires personnelles, comme celle de relever le défi d’apprendre à jouer du trombone à son âge, malgré les réticences de son entourage. Elle quitte la scène pour aller chercher son instrument pendant que le guitariste Gaetano Malta improvise sur un des morceaux funky joués précédemment.
Festival Au Grès du Jazz - Groupe Black Lives / PHOTO. © Rita STIRN
Flavia Coelho revient sur scène et offre un impressionnant solo au trombone. Ultérieurement, elle se met à la batterie pendant que son batteur prend le micro pour interpréter, de sa voix grave, un morceau reggae qui parle de paix. Avec son sourire éclatant et constant, Flavia Coelho interprète quasi intégralement les chansons de son dernier album paru en 2024, « Ginga », influencé par les rythmes brésiliens de sa jeunesse, notamment la musique variée de ses voisins, dit-elle, allant de la samba à la bossa nova, mais aussi le funk et le hip-hop, ce qui marquait l’ouverture du Brésil aux musiques d’ailleurs après les années de dictature. « Ginga » est un album introspectif qui évoque aussi son amour de la France, de la littérature et de la langue françaises. Une chanson intitulée « Mama Santa » est un hommage à sa maman et à toutes les mères à travers le monde. Flavia Coelho partage toute son énergie avec le public qui l’acclame fort et longtemps pour un second rappel à la fin de son concert.
Le concert de Flavia Coelho du samedi 16 août s’inscrit dans la thématique revendiquée dans la programmation : la place des femmes dans le jazz et dans l’industrie musicale. Une journée pour rappeler une réalité : les femmes représentent moins de 20 % sur les scènes de jazz européennes.
Autre temps fort de la programmation du festival, la thématique des luttes pour l’égalité et la justice avec le concert de Black Lives. Ce groupe réunit des musiciens des États-Unis, des Caraïbes et d’Afrique, et s’inscrit dans l’héritage du mouvement Black Lives Matter. Deux chanteuses afro-américaines, Catherine Russell et Georgia Heers, rendent hommage aux luttes des Afro-Américains pour leurs droits à travers l’histoire et revendiquent l’égalité et la liberté pour tous les citoyens des États-Unis.
L’entrée en scène du groupe se fait par Sharif Simmons dont le phrasé dans « We are here » évoque la tradition du slam et du spoken word des « Last Poets » et du chanteur de soul Gil Scott-Heron. Sharif Simmons passe au rap en français, avec des paroles de sa composition pour dénoncer les injustices et les guerres dans ce monde. Parmi les musiciens figurent l’excellent soliste guadeloupéen au piano et aux claviers Grégory Privat ; au saxophone alto, Pierrick Pédron, musicien et compositeur français connu pour ses multiples récompenses aux Victoires du Jazz et familier des scènes internationales ; Reggie Washington est à la contrebasse et à la basse électrique, ayant accompagné des grands noms du jazz américain comme Branford Marsalis, Roy Hargrove et Steve Coleman.
Photo. © Rita STIRN
À ses côtés à l’époque, il y avait déjà le guitariste David Gilmore, qui a souhaité partager avec lui le projet musical actuel de Black Lives. Gene Lake, batteur afro-américain connu des scènes du festival Sarajevo Jazz Fest et de Nancy Jazz Pulsations, alterne avec le prodige guadeloupéen Sonny Troupé à la batterie et aux percussions, notamment au tambour ka. Il est le compositeur du morceau « Sa Nou Yé / Be Proud » qui figure sur l’album « From Generation to Generation ».
Les deux musiciens se livrent à une battle de rythmes qui galvanise le public. Pour un son électro et un ancrage dans les musiques actuelles, DJ Grazzhoppa est aux platines pour mixer sur la soul et le funk. La performance généreuse et militante du groupe Black Lives, qui interprète des morceaux de leurs albums dont le dernier « People of Earth », dure une heure et demie. Il bénéficie d’un public attentif, démonstratif et chaleureux, qui réclamera deux rappels. Les membres de Black Lives et Stefany, la productrice, sont tout sourire à l’issue du concert. À la sortie, CD et vinyles du groupe se vendent bien et des festivaliers continuent d’échanger avec les musiciens pour retenir cette belle énergie transmise au public.
Vidéo à voir >> Black Lives et ses musiciens et chanteuses
Voir Aussi >> Black Lives avec Sharif Simmons, voix
Vidéo utile >> Black Lives featuring Catherine Russell et Georgia Heers
https://youtu.be/xcNYpWWHFL0
Au fil des années, le festival Au Grès du Jazz a trouvé la formule d’une programmation à succès et d’une fidélisation des festivaliers qui conjuguent la beauté de la nature environnante et les découvertes musicales et culturelles. Une équipe solide, composée de la directrice Aicha Chibatte, du programmateur Arnaud Bel et de la programmatrice Manuela Reichmann, peut compter sur le soutien du Conseil régional, du maire de La Petite Pierre et des élus des communes avoisinantes, ainsi que sur l’efficacité du service de gendarmerie en matière de sécurité publique.
La confiance de la DRAC, des mécènes et partenaires est renouvelée chaque année. Sur place, au moment des concerts, une équipe dynamique de 140 bénévoles offre ses services chaque année. Petits et grands dans le public trouvent leur place dans les activités proposées. « Le service de communication du festival n’avait jamais connu autant de retombées médiatiques », affirme Marion Portevin, responsable presse : un journaliste de « Jazz Magazine » était sur place pendant toute la durée de l’événement, rejoint par « Les Dernières Nouvelles d’Alsace », France 3 (avec deux sujets consacrés), BFM Alsace, et France Info, qui nous a consacré une chronique dans sa matinale. Sans oublier SitaNews pour son lectorat francophone de la diaspora et du continent africain. Une couverture inédite, qui traduit la reconnaissance de l’engagement et du partage des cultures musicales « avec un itinéraire tracé au gré des sonorités et des héritages pour tracer les contours du jazz de demain ». Rendez-vous à La Petite Pierre en 2026 pour la 23e édition d’Au Grès du Jazz !
Liens recommandés :
www.festival-augresdujazz.com
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Facebook : Le Club des Amis Au Grès du Jazz
YouTube : Flavia Coelho, “Ginga”
YouTube : Black Lives “People of Earth”
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