A changer
Publié : 14 July, 2021

Moïse Premier - Interview [Suite et fin]

Suite et fin de l'interview de Moïse Premier. Il laisse un message à toutes les composantes du corps culturel guinéen. Lisez !

SITANEWS© : Nous sommes au terme de cette interview. Quel est ton message aux artistes, managers, producteurs, promoteurs, journalistes et animateurs culturels guinéens ? (La carte blanche).
Moïse Premier  : « Le message est simple. Que chacun fasse correctement son travail. Je n’ai pas besoin d’aimer la gueule de Monsieur Sita CAMARA, le Patron de SITANEWS. Mais s’il fait un bon travail, il faut que j’ai du respect pour ce travail et il faut que ce travail soit reconnu. En un laps de temps, votre site internet est en train de monter en flèche. C’est de ça qu’il s’agit, le vrai boulot.

« La musique guinéenne a perdu ses valeurs et ses repères »

Aux artistes, il faut que vous sortiez du « Koulako Sayonya » [la mendicité NDLR]. Arrêtez vos « Koulako Sayonya » partout. Faites-nous de vraies productions. Faites-nous de la vraie musique guinéenne. La preuve, vous voulez savoir que tout ce que nos artistes font actuellement, les 99% sont nuls, et que ça ne peut pas sortir de nos frontières, prenez une journée et écoutez Kalac Radio ou regardez Kalac Tv. Les titres que cette radio et la télé diffusent, n’ont rien à voir avec ce que nous écoutons aujourd’hui comme musique guinéenne. Cela nous prouve à suffisance que la musique guinéenne a perdu toutes ses valeurs et tous ses repères.
Vous ne pouvez pas écouter aujourd’hui un titre comme « Loubama kouma » de Fodé Kouyaté le lien :  https://www.youtube.com/watch?v=kXmdk4busaU ou « Tèrèmèssè » de Lasso Doumbouya (paix à son âme) le lien : https://www.youtube.com/watch?v=IeJrUxFAua4. Ce sont des titres qui nous interpellent et qui dénoncent les fléaux de nos sociétés. Mais aujourd’hui, nos artistes nous chantent du n’importe quoi. Par exemple : « Assakhoui bakhoui », « M’ma rivale », « Guinaya Baréya mara » et autres. Que des conneries !
Nos artistes ne chantent que de sexualité, de rivalité, de la patronne, de la maîtresse ou de la bonne, je ne sais quoi ! Mais il n’y a pas que ça dans la vie. Il y a des vrais messages, de la vraie musique guinéenne sans chanter quelqu’un ou insulter son prochain. Mais non, après ils vont te dire : « c’est la société qui est comme ça, alors il faut qu’on chante comme ça ». Mais c’est aberrant !
La preuve qu’on peut chanter autrement aujourd’hui, écoutez l’un des derniers titres d’Azaya « Allah Lé Kabon ». Voilà la vraie musique. Le lien : https://www.youtube.com/watch?v=bn9rSQB92KM. Et voilà ce qu’on attend de nos chanteurs. Mais hélas ! On est aujourd’hui choqué par ces artistes-là. S’il vous plaît, écoutez un peu Bembeya Jazz, Balla et baladins. Ressourcez-vous ! Reprenez ces anciens titres-là et mettez-les à votre sauce. J’ai bien aimé Ibro Gnamet qui commence à s’intéresser aux créations de son père. Si tu n’as rien à chanter, va reprendre au moins les chansons de ton père Ibro Diabaté, et tu les reverses à ta sauce de modernité. Tu vas voir ce que ça va donner.

« Un Manager est différent d’un accompagnateur ou un bagagiste »

Sachez qu'un Manager  est différent d’un accompagnateur ou un bagagiste. Apprenez ce travail. Faites des formations. C’est vrai qu’il y a un groupe de jeunes managers qui se démarque et qui se met au-dessus de la mêlée. C’est l’occasion pour moi de leur envoyer une grosse force et de dire respect à ces jeunes. Je veux citer les Managers de G4life Music, les frères Weso, Musto. Aussi, les Managers de Keyzit Music, les frères Peps Camara. Je veux citer des Managers comme Balla Moussa de Music Sans Frontière, un des plus efficaces des dix dernières années en Guinée. Il a sorti des artistes zéros qui sont devenus des Héros. Il leur a fait faire des grosses collaborations avec des stars étrangères. Il a façonné des artistes. Respect Balla Moussa !
Je veux envoyer de la force à tous ces jeunes Managers qui se battent. Vous autres, formez-vous. Il y a l’Association Culture Ensemble à qui j’ai envie de lui envoyer une grosse force. Elle regorge de jeunes Managers compétents et efficaces. Les autres, adhérez à l’association et participez aux formations. Formez-vous, il y a des plateformes partout. Si vous ne le savez pas, demandez.

« (...) Changez de métier si ça ne marche pas...»

Aux Producteurs d’artistes. J’ai envie de dire qu’il n y a plus d’argent dans la prod. Il faut changer de métier. Et c’est valable pour les artistes. Si votre musique ne marche pas, changez de métier. Vous nous chantez du n’importe quoi.
Changez de métier comme Bill De Sam par exemple. C’est très simple, faites comme Louny qui sait que la musique ne marche pas. Et il n’a pas que ça dans la vie. Il fait autre chose et il fait des chiffres. Donc la musique pour lui, c’est l’amusement. Il sait qu’il n’y a pas d'argent dedans, ça ne paye pas. Il sait que c’est un monde fake. Il a des entreprises de communication, des régies publicitaires et il fait des placements d’argent. Ça tourne bien pour lui.
Faites comme Degg J Force 3. Comme ils ont compris que leur musique ne marche plus, ils sont dans la prod exclusive de spectacles. Parce que la production des albums ne veut rien dire maintenant. Alors, pour les autres, si la prod ne marche pas, changez de métier. Parce qu’on sait aujourd’hui que le disque est mort. Et vous ne me direz pas que c’est sur le streaming que vous avez envie de vous positionner. Ça va vous prendre du temps. D’accord ? La monétisation, le streaming c’est très bien. Adaptez-vous à la réalité. C’est très important.

« Levez-vous, formez un bloc et allez voir les décideurs (...) »

Aux promoteurs culturels, on sait aujourd’hui que c’est vous les patrons. Parce qu’il y a de l’argent dans le spectacle vivant. Mais, levez-vous ! Formez un bloc ! Allez voir les décideurs pour la reprise de nos activités s’il vous plaît. Vos guéguerres ne vous amèneront nulle part. Vous avez besoin de vous retrouver dans des fédérations et institutions fortes pour faire bouger les lignes.
Aux journalistes et animateurs culturels, on sait qu’aujourd’hui, il y a des sites internet qui sont gérés par des gens qui n’ont pas fait ce travail. On sait qu’il y a des artistes, des producteurs d’artistes et des promoteurs qui mettent de l’argent dans la création des sites d’information. Ensuite, ils donnent ça à des journalistes qui sont à leur solde. Ça veut dire quoi ? « C’est des journalistes qui dépendent d’eux". Si le patron du site qui s’avère être un artiste, et qui n’aime pas la tête de tel ou tel, même si celui-ci fait 100 millions de vues, le journaliste a du mal à parler de son exploit. Il faut que vous arrêtiez ça.
Exemple tout bête : pas parce que moi Moise Premier, Monsieur Moussa M’baye a acheté un site internet et il m’a donné pour gérer, et que cela veut dire, que je ne dois plus parler de mal de MLP. Non ! Non !
Ou quand il y a des soucis aujourd’hui entre MLP et Alasko, je ne dois pas en parler. Non ! Non ! Je ne suis pas d’accord. Il faut que tu dénonces ça. Parce que l’opinion publique a besoin de le savoir. Sinon, l’histoire va te rattraper frère.
Ce n’est pas parce que c’est grâce à Tidiane World Music que je suis installé aujourd’hui en France, et moi journaliste, dans mes articles de presse, je ne dois plus parler de mal des Productions Tidiane World Music. Non ! Je ne suis pas d’accord. Les gars, il faut que ça cesse.
Alors, il ne faut pas que nous devenions comme des politiques. Et que chaque leader doit avoir son propre média, sa télé ou sa radio. Si chaque artiste, promoteur ou manager a son média, ça va devenir le gros bordel : tu t’attaques à moi, j’ai un média où je peux aller te descendre.

« Il faut qu’on garde notre indépendance, c’est difficile mais,... »

Les animateurs radio et télévision, il faut qu’on rehausse le niveau. Il faut qu’on se remette en cause chaque jour. Par exemple, Moïse ou Al est bourré de lacunes, il travaille sur ses lacunes tous les jours. Ou bien je sais que mon frère DD travaille sur ses lacunes, mais il excelle. Que tu aimes la gueule de Freshh DD ou que tu n’aimes pas sa gueule, le gars fait avancer les choses. Je ne connais qu’un seul animateur à FIM FM, c’est Freshh DD. Parce qu'il est sur tous les fronts. Il fait bouger les choses. On a besoin de mecs comme ça. On a besoin de frères comme Komah, des gars qui bossent dur. Même si les médias sont devenus de gros fous-tout. Parce que les patrons ne sont pas prêts à mettre de l’argent dans leurs médias. Ils recrutent des médiocres pour aller faire un travail médiocre aussi sur les antennes.
C’est une grosse honte pour cette corporation. Il faut que les journalistes et les animateurs restent dans leurs bottes. Qu’ils fassent correctement leur travail. Même si tu es proche d’un artiste ou d’un label, s’il fait du fake, il faut que tu aies le courage de le dire. Il faut qu’on garde cette indépendance. C’est très difficile, mais c’est ce qui fait de nous des vrais professionnels. Se mettre de la valeur, c’est seulement cette manière par laquelle ces artistes, ces promoteurs, ces managers peuvent nous respecter.
Grosse pensée à tous ces grands animateurs et journalistes qui charbonnent tous les jours. Ils sont très nombreux et surtout des gens qui m’inspirent. Ils sont sur les antennes de toutes les radios. Récemment, j’ai découvert un jeune sur Djoma qui fait la matinale avec le frère Amir. Je kiffe ! Aussi Espace Tv qui est en train de rehausser son programme comme « Remue-ménage », je kiffe. Vas-y Tonton Rahim, défonces tout. Il faut que ça travaille encore davantage.

"... On ne met pas la charrue avant les bœufs."

Aux patrons de médias, pour construire vos télévisions, pensez d’abord à vos studios, vos plateaux TV s'il vous plaît. On ne met pas la charrue avant les bœufs. Sinon, vous êtes obligés de vous confiner dans les deux chambres salon. Ou bien, vous êtes obligés de casser des murs. Mais à la base, le lieu n’est pas conçu pour un plateau TV. On a besoin des vraies infrastructures en matière d’audiovisuel dans ce pays.
Vous les télévisions, avant de construire ou de prendre des immeubles à la con, pensez d’abord à prévoir un vrai plateau. C’est extrêmement important. J’ai visité le plateau d’une télévision de la place en cours d’installation, j’étais bluffé. Grosse force au frère Moussa Daraba qui m’a fait visiter les locaux de cette télévision. Force à tout le monde. Grosse pensée à tous les artistes, les musiciens.
SITANEWS© : Au cas où, on te contredit, est-ce que tu es prêt pour un débat ?
Moïse Premier : « S’il y a mes propos qui ont choqué les uns et les autres, je vous présente toutes mes excuses. Mais je pense que parfois, il faut s’exprimer comme ça. Il faut choquer pour attirer l’attention. Mais ça n’a rien de méchant. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un méchant. Je sais qu’après la publication de cette interview, vous allez vous acharner contre moi. Faites-le, c’est votre droit. Ce que je viens de faire aussi c’est mon droit. C’est la libre expression des pensées. Chose qui est facteur de développement de toutes les nations qui se veulent démocratiques.
Sachez que je suis ouvert. Si vous pensez que j’ai raconté du n’importe quoi, je suis ouvert à un vrai débat. SITANEWS est ouvert, « Remue-ménage » est ouvert. On peut se retrouver dans un champ neutre pour de vrais bails. Je suis ouvert à tout le monde.
Madame la Ministre, si vous souhaitez me recevoir pour vous répéter en face tout ce que j’ai dit à votre sujet, il n’y a pas de problème. Mais je n’en ai pas besoin forcément. Il suffit juste de prendre mes messages en compte. Vous n’avez pas besoin de me recevoir. Vous n’avez pas besoin de me connaître non plus. Faites juste votre travail et c’est ce qui m’intéresse. Mais de toute façon, les projets viendront. Vous n’avez pas besoin de voir ma tête, mais les projets viendront. Je vous prie de bien vouloir prendre toutes les dispositions, car ça va dans l’intérêt de notre nation. Ce ne sont pas des projets qui portent forcément le nom de Moise Premier. Il y a mille opérateurs culturels qui viendront avec des projets et merci de les recevoir."
Merci Moïse d’avoir répondu à toutes nos questions 
"Je vous remercie aussi SITANEWS pour vos différents articles et pour votre ligne éditoriale. Continuez comme ça, ne changez jamais. Continuez à nous parler des vraies choses. C’est seulement par cette manière que les lignes peuvent bouger. On ne peut pas toujours rester enfermés dans cette hypocrisie. Merci infiniment."
RE.LIRE LA PREMIÈRE PARTIE ICI RE.LIRE LA DEUXIÈME PARTIE ICI
Par Sita CAMARA
SITANEWS©
Partager sur :